LES GRANDES PATHOLOGIES DE L'APPAREIL DIGESTIF
Avant de commencer l'étude détaillée mais non exhaustive des grandes pathologies de l'appareil digestif, mieux qu'un long discours, deux schémas serviront à préciser et appréhender mieux les différentes maladies. Vous allez pouvoir visualiser ci-après une topographie générale de l'appareil digestif et une topographie plus précise et détaillée de l'estomac qui va nous intéresser dans le module de ce mois-ci.
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1ère PARTIE : L'ULCÈRE GASTRO-DUODÈNAL (UGD) ET LES GASTRITES
Définitions et symptômes :
L'UGD signifie un ulcère du bas œsophage, de l'estomac ou du duodénum, du jejunum après une gastrojejunostomie ou rarement de l'ileum adjacent à un diverticule. Les ulcères de l'estomac ou du duodénum peuvent aigus ou chroniques ; les deux pénètrent en effet dans la muqueuse musculaire.
Anatomiquement parlant, l'UGD se définit comme une perte de la substance arrondie, taillée à l'emporte-pièce dans la muqueuse gastrique ou duodénale, allant jusqu'à la disparition de la muqueuse musculaire et s'accompagnant d'une réaction scléreuse d'importance variable. Mais en fait, cette lésion est périodique : la maladie ulcéreuse comporte des poussées très douloureuses suivies de rémissions parfois très prolongées, au cours desquelles l'ulcération peut disparaître complètement. D'ailleurs l'interrogatoire complet fournit déjà une haute présomption diagnostique s'il met en évidence le rythme douloureux caractéristique de l'ulcère : périodes de douleurs épigastriques où le malade souffre tous les jours après chaque repas sans un manque, entrecoupées de périodes d’accalmie où il ne souffre plus du tout.
La radiographie fournit la quasi-certitude lorsqu'elle révèle l'image directe de la lésion : la niche ulcéreuse irrégulière offrant son profil sur la petite courbure gastrique (voir schéma plus haut).
L'ulcère, qu'il soit gastrique ou duodénal, se traduit par des douleurs épigastriques médianes ou irradiant légèrement à droite, dont la double périodicité dans la journée et dans l'année est très évocatrice du diagnostic.
La douleur ulcéreuse est rythmée par les repas : un délai fixe pour chaque malade, mais variable d'un patient à l'autre, sépare le début de chaque repas du début de la douleur. Celle-ci dure de 30 minutes à 2 heures et est calmée par les boissons alcalines et l'alimentation. Cette douleur à type de crampe, de torsion, de faim douloureuse, de brûlure, survient après tous les repas sans un manque.
Mais cette douleur post-prandiale (après les repas) n'existe que durant une période, dite « de poussée ulcéreuse », de 2 à 6 semaines en moyenne. Elle ne se reproduira qu'après une période de repos beaucoup plus longue (des mois voire des années) remarquablement complète, sans douleur ni dyspepsie (pour la signification précise de ce mot, voir notre glossaire à la fin de ce module).
C'est une loi générale de la radiologie du tube digestif qu'une image suspecte, pour être affirmée pathologique, doit durer, c'est à dire se retrouver sur plusieurs clichés, par delà les modifications des contours dues au transit intestinal ; d'où la nécessitée de clichés en série, pris à quelques minutes d’intervalle. Pour l'estomac et le duodénum, il faut en plus ajouter un opacifiant à base de sulfate de baryum qui est le fondement du diagnostic.
L'image directe de l’ulcère est la niche de profil de la petite courbure (voir schéma plus haut), qui doit se retrouver sur plusieurs clichés de la série. Mais bien souvent, après quelque temps d'évolution, des déformations péri-ulcéreuse dues à l'œdème et à la fibrose du bulbe viennent compléter l'image ou masquer la niche.
La fibroscopie a grandement facilité la pratique de l'endoscopie gastro-duodénale. Ses indications sont actuellement systématiques dans les ulcères gastriques, où elle permet de guider la biopsie-aspiration. La bénignité constante des ulcères duodénaux y rend son utilisation facultative.
LE RÔLE DE HELICOBACTER PYLORI DANS LA MALADIE ULCÉREUSE :
La prévalence de l'infection par cette bactérie (Hp) augmente avec l'âge atteignant 50 % chez les sujets âgés de 50 ans ; dans les pays en voie de développement, elle concerne jusqu'à 90 % des sujets. La bactérie se répand par contact avec le liquide de reflux gastrique ou les vomissements et, même si l'infection est habituellement acquise chez l'enfant, la plupart des sujets colonisés restent en bonne santé. Plus de 90 % des sujets souffrant d'ulcère duodénal et 70 % de ceux présentant un ulcère gastrique sont infectés par la bactérie Hp, les 30 % restants ont un ulcère provoqué par l'abus d'anti-inflammatoires dérivés de l'aspirine.
Cette bactérie est un germe mobile qui utilise plusieurs de ses flagelles pour s'enfouir sous la couche muqueuse épithéliale. Hp ne colonise que l'épithélium de type gastrique en induisant une gastrite chronique avec réponse inflammatoire.
Chez la plupart des sujets, Hp provoque une gastrite de l'antre pylorique (voir schéma plus haut) avec hypersécrétion d'acide chlorhydrique par les cellules pariétales, mais habituellement sans conséquence clinique. Chez quelques patients, notamment fumeurs, ce processus est exagéré aboutissant à une ulcération duodénale. Une fois que l'ulcère est constitué, il tend à donner plus de complications et guérit plus difficilement si le sujet continue à fumer. Parfois Hp provoque une pangastrite, aboutissant à une atrophie de l'estomac avec diminution de sécrétion chlorhydrique engendrant une prolifération bactérienne et prédisposant à un cancer gastrique. Il existe de nombreux tests diagnostiques pour l'infection par Hp. Certains requièrent une endoscopie et d'autres sont non invasifs. Globalement, les tests respiratoires sont préférables, car ils sont plus précis, plus simples et non invasifs.
TRAITEMENT ET PRISE EN CHARGE DE L'UGD :
Le but de la prise en charge est de soulager les symptômes, induire une cicatrisation et prévenir les récidives.
Les médicaments utilisés dans la prise en charge à court terme de l'UGD sont :
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Les anti-acides et les alginates qui neutralisent l'acidité gastrique et forment un film protecteur qui surnage entre l'œsophage et l'estomac (PHOSPHALUGEL, GAVISCON, POLYSILANE…)
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Les antagonistes des récepteurs H2 qui sont des inhibiteurs compétitifs des récepteurs H2 sur les cellules pariétales gastriques (ranitidine, cimétidine).
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Les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) : la classe la plus importante et la plus efficace qui agit sur la sécrétion acide des cellules pariétales de surface à l'origine même de l'UGD. (oméprazole, ésoméprazole, lansoprazole, pantoprazole, rabéprazole).
Il faut entreprendre une éradication de la bactérie Hp chez tous les patients présentant une maladie ulcéreuse aiguë ou chronique, chez ceux ayant des ulcères gastriques Hp positifs. Cela permet la cicatrisation des ulcères, la prévention des rechutes et élimine le besoin d'un traitement au long court chez 90 % des patients.
On administre un IPP avec 2 antibiotiques choisis parmi amoxicilline, clarithromycine et métronidazole pendant 7 jours.
Le traitement s'articule de la façon suivante :
UN IPP TOUTES LES 12 HEURES + CLARITHROMYCINE 500 TOUTES LES 12 HEURES + AMOXICILLINE 1 G OU METRONIDAZOLE 500 TOUTES DES 12 HEURES ; LE TOUT PENDANT 7 JOURS.
On continuera ensuite au bout d'une semaine L'IPP seul une fois par jour pendant 1 mois ou 2.
Hp et les anti-inflammatoires dérivés de l'aspirine sont des facteurs de risque indépendants des ulcères, mais il est à présent recommandé d'associer à tout traitement anti-inflammatoire à court et à moyen terme un IPP pour diminuer le risque ulcéreux.
DANS LES MESURES D'HYGIÈNE GÉNÉRALES,
IL EST TRÈS FORTEMENT RECOMMANDÉ D'ARRÊTER DE FUMER.
Les gestes chirurgicaux pour la maladie ulcéreuse sont moins utilisés depuis que l'on guérit la plupart des ulcères par éradication de Hp et qu'il existe de puissants médicaments anti-acide efficaces. Un ulcère gastrique qui ne cicatrise pas est traité par ablation partielle de l'estomac, dans laquelle on provoque une résection de l'ulcère et de sa zone d'appui, afin d'éliminer un cancer sous-jacent. Dans les cas urgents, on effectue des biopsies, puis on ligature une artère qui saigne ou on suture l'ulcère avec un patch pour la perforation.
LES GASTRITES :
La définition des gastrites est anatomique : on groupe sous ce nom toutes les atteintes inflammatoires de la muqueuse gastrique, qu'elles aboutissent à une hypertrophie ou, plus souvent, à une atrophie de cette muqueuse.
On distingue également la gastrite aiguë qui résulte le plus souvent de l'ingestion d'alcool ou d'aspirine à fortes doses ; la gastrite chronique dont la principale cause est l'infection par Hp dont la gastrite chronique auto-immune qui est due à une activité destructrice des cellules pariétales dans le corps de l'estomac.
Il faut souligner avant tout, la fréquence des gastrites latentes, qui représentent au moins la moitié des cas et qui s'observent chez les alcooliques chroniques et chez certains sujets anémiques. Lorsque la gastrite se manifeste cliniquement, ses symptômes sont loin d'être toujours évocateurs.
Le syndrome le plus évocateur, sans être spécifique loin de là, comporte une douleur, ou plutôt une brûlure de la région épigastrique, plus capricieuse que périodique, survenant après certains aliments acides, épicés et surtout sucrés (sucre cuit tel la confiture). Cette douleur survient après le repas, tantôt précocement, tantôt tardivement et n'est calmée ni par l'alimentation, ni par les tampons alcalins (MAALOX, RENNIE…).
De nombreux signes annexes accompagnent très souvent ces brûlures épigastriques : éructations en salve, d'odeur très désagréable, ballonnements, bouffées vasomotrices du visage, somnolence après le repas, palpitations, douleurs cardiaques...
La douleur gastritique peut revêtir une allure grossièrement pseudo-ulcéreuse avec des poussées douloureuses après les repas pendant plusieurs semaines. Mais, dans l'intervalle des poussées, jamais le gastritique ne connaît la pseudo-guérison complète, le calme absolu de l'ulcéreux. Il persiste toujours un fond de douleurs vagues ou de dyspepsie (voir glossaire à la fin de ce module).
Les régurgitations acides, le pyrosis (voir glossaire) sont possibles, qui évoquent davantage la hernie hiatale que la gastrite. Mais dans celle-ci il n'y a pas d'influence posturale qui déclenche la brûlure ; d'ailleurs dans la gastrite courante, les douleurs et les brûlures ne sont pas toujours présentes et l'examen physique ne révèle aucun signe valable.
Les causes des gastrites sont nombreuses et variées, des fois difficiles à cerner. Citons, entre autre, les défauts d'hygiène alimentaire (repas trop rapides à horaire irrégulier, denture insuffisante ou en mauvaise état, abus des mets épicés ou acides et surtout abus d'alcool et de tabac). Certains médicaments expliquent la gastrite par usage prolongé : l'aspirine et/ou les corticoïdes chez les rhumatisants ou asthmatiques, ainsi que le bicarbonate de soude, si volontiers ingéré par les personnes âgées dyspeptiques, qui ne fait qu'aggraver la gastrite. Les infections hautes doivent toujours être recherchées : gingivite, amygdalite, sinusite peuvent jouer un rôle et devront être traitées. Il existe des causes très rares de gastrites toxiques par ingestion d'arsenic ou de bismuth, des gastrites allergiques ou des gastrites atrophiques au cours de l'alcoolisme chronique.
Le traitement de la gastrite devra avant tout comporter une hygiène alimentaire très sévère : repas réguliers ingérés lentement, d'abondance modérée ; remise en état de la dentition et explication au patient de l'importance de la mastication ; traitement des éventuelles infections ORL hautes ; suppression des mets irritants, acides, épicés, du sucre cuit et des confitures, et surtout des excès alcooliques et tabagiques.
On utilisera des pansements gastriques, des alginates anti-reflux (GAVISCON) et des anti-spasmodiques neurotropes comme, par exemple, la Trimébutine pendant plusieurs semaines (DEBRIDAT, DUSPATALIN).
GLOSSAIRE RÉCAPITULATIF DES TERMES UTILISÉS EN PATHOLOGIE DIGESTIVE :
ACHYLIE : syndrome analogue à l'apepsie, caractérisé cliniquement par l'absence dans le suc gastrique de pepsine et d'acide chlorhydrique et cliniquement par des troubles gastriques, intestinaux et nerveux (douleurs, vomissements, céphalées et angoisse).
APEPSIE : trouble du processus chimique de la digestion, caractérisé par la disparition de la réaction de fermentation du suc gastrique.
CHOLECYSTECTOMIE : ablation chirurgicale de la vésicule biliaire.
CHOLECYSTITE : inflammation de la vésicule biliaire.
CHOLEDOQUE canal : segment terminal de la voie d'excrétion de la bile, né du confluent des conduits hépatique et cystique ; il s'abouche dans la 2ème partie du duodénum directement ou par l'intermédiaire de l'ampoule de VATER.
COLIQUE : douleurs qui siègent dans la plupart des viscères abdominaux (foie, intestin..).
COLITE : inflammation du colon.
COLON : gros intestin. Il débute à la valvule iléo-cæcale et comporte 4 parties : colon ascendant, colon transverse, colon descendant et colon sigmoïde. Il se continue par le rectum.
DIVERTICULE : nom donné à de petites hernies de la muqueuse digestive, se présentant sous forme de saillies arrondies dont la grosseur varie de celle d'un petit pois à celle d'une noisette.
DUODENUM : portion initiale, fixe de l'intestin grêle, faisant suite au pylore et se continuant par le jejunum. Il comporte 4 parties et reçoit les canaux cholédoque et ceux du pancréas, glande avec laquelle il a des rapports très étroits.
DYSPEPSIE : digestion difficile, quelle qu'en soit la cause ; on réserve ce terme aux troubles fonctionnels survenant en l'absence de lésion organique décelable.
FIBROSCOPIE : méthode d'exploration visuelle de l'intérieur du tube digestif avec un endoscope (ou fibroscope qui conduit les rayons lumineux par un faisceau de fibres de verre souples).
FLATULENCE : dyspepsie (voir ce terme) avec présence de gaz dans le tube digestif s'accompagnant souvent de rejet du même gaz par la bouche ou par l'anus.
HERNIE : masse circonscrite formée par un organe ou une partie d'organe (le plus souvent l'intestin) sortie de la cavité qui le contient normalement, par un orifice naturel ou accidentel.
ILEON ou ILEUM : segment distal de l'intestin grêle, faisant suite au jejunum et se continuant par le cæcum.
METEORISME : ballonnement, gonflement de l'abdomen par des gaz contenus dans l'intestin.
PEPSINE : ferment soluble contenu dans le suc gastrique et servant à transformer les protéines des aliments en matière facilement soluble et diffusible, capable d'être absorbée et assimilée.
PYROSIS : sensation de brûlure qui part de l'épigastre, remonte l'œsophage jusqu'à la gorge et s'accompagne d'éructation et de renvoi d'un liquide acide et brûlant : il témoigne d'un reflux gastro-œsophagien (RGO).
RECTOCOLITE : inflammation simultanée du rectum et du colon.
RECTUM : portion rectiligne et terminale du gros intestin, située entre le colon sigmoïde et le canal anal (anus).
REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN (RGO) : retour dans l'œsophage du contenu gastrique acide. Il provoque, généralement après un repas, des brûlures rétrosternales ascendantes (pyrosis). Elles sont en rapport avec des troubles digestifs diffus, des lésions de l'œsophage ou avec une hernie hiatale.
ULCERE : perte de substance du revêtement cutané ou muqueux, ayant peu de tendance à la cicatrisation.
(Cette liste n'est évidemment pas exhaustive).