LES DIGITALES
Les Digitales, plutôt que la Digitale ? Il existe en effet 2 variétés de cette plante, appelées pourpre et laineuse. La variété ancestrale, celle qui fait l'objet de toutes les monographies et bibliographies abondantes est la Digitale pourpre.
Mais les hétérosides cardiotoniques (Digitaline, Digoxine) utilisés en thérapeutique sont préférentiellement préparés par hémi-synthèse à partir de la Digitale laineuse.
Pour la clarté de notre exposé qui va suivre et pour en faciliter la compréhension, nous étudierons uniquement la monographie, les propriétés thérapeutiques et surtout la toxicité de la Digitale pourpre (Digitalis Purpurea – famille des Scrofulariacées).
DESCRIPTION BOTANIQUE DE LA DIGITALE :
Il s'agit d'une plante herbacée bisannuelle ou pluriannuelle commune dans les régions siliceuses de l'Europe Occidentale, notamment dans le massif des Vosges, émettant la première année de végétation une simple rosette de feuilles ; la deuxième année une nouvelle rosette apparaît, du centre de laquelle s'élève une tige mesurant environ 1 mètre, terminée par une grappe de fleurs pendantes, de 4 à 5 cm de long, pourpres à l'extérieur, plus pâles et tachées à l'intérieur, en forme de « doigt de gant », d'où le nom donné à la plante. Les feuilles, grisâtres à la face inférieure, ont un aspect gaufré dû à la présence d'un réseau de nervures très saillantes ; le limbe, longuement décurrent à la base, forme un pétiole ailé. Le fruit est une capsule contenant de nombreuses graines.
Le lecteur attentif, pourra, s'il le désire, visionner l'ensemble de cette plante toxique dans les ouvrages ou sur les sites qui lui sont dédiés.
COMPOSITION CHIMIQUE :
La partie de la plante utilisée en thérapeutique, c'est à dire la drogue végétale, est la feuille de deuxième année récoltée juste avant la floraison.
Sa composition chimique est complexe et a fait l'objet de très nombreux travaux. Seuls les éléments les plus caractéristiques seront cités.
On trouve dans la feuille :
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7 à 8 % de matières minérales riches en potassium et en manganèse.
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Des acides organiques.
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Des pigments « flavoniques ».
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Des hétérosides stéroïdiques (même structure chimique que les hormones sexuelles).
Ils sont très nombreux ; on en a caractérisé une cinquantaine dont l'ensemble constitue 1% environ du poids sec de la feuille de Digitale. Le plus important d'entre eux est le Purpurea-glucoside A qui, dans la feuille sèche, se dédouble avec formation de Digitaline cristallisée. On trouve également d'autres hétérosides cardiotoniques utilisés en thérapeutique comme la Digoxine et l'Ouabaïne.
PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES DES HÉTÉROSIDES DE LA DIGITALE :
Ils agissent selon la règle des « 3 R » de Potain :
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Ils Ralentissent le rythme cardiaque.
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Ils Régularisent la fonction contractile du myocarde.
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Ils Renforcent la fréquence des battements cardiaques. Cette action est due essentiellement à l'ouabaïne, hétéroside retrouvée également dans des plantes comme le Muguet et l'Adonis.
Comme nous l'avons vu dans notre module santé publique de ce mois, l'indication principale de la Digitaline et de ses dérivés est l'insuffisance cardiaque sévère qui ne répond plus ni aux diurétiques, ni aux IEC, lorsque le cœur est en rythme sinusal ; lorsqu'il est en arythmie, c'est à dire principalement en fibrillation auriculaire, alors la Digitaline est utilisée pour contrôler la réponse ventriculaire à cette anomalie électrique (voir module santé publique septembre). Mais souvent, l'amélioration n'est que temporaire et la chirurgie devra rapidement être envisagée.
Cette drogue, à la fois médicament et poison, présente également une activité diurétique modérée, avec hypokaliémie (fuite de potassium urinaire), action potentialisée par les diurétiques comme le Furosémide et les laxatifs stimulants très utilisés chez les personnes âgées. Dans ce cas précis, un suivi rigoureux et un contrôle biologique du potassium s'imposent régulièrement.
TOXICITÉ DE LA FEUILLE DE DIGITALE :
A très faibles doses, c'est à dire quelques milligrammes (l'équivalent d'une demi- feuille de Digitale), la Digitaline va manifester ses effets toxiques,à deux niveaux essentiellement, cardiaque et hépatique.
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Au niveau cardiaque : aggravation des troubles du rythme au moindre mouvement, anxiété liée aux troubles du rythme : sensation que le cœur va s'arrêter si l'on fait un seul mouvement. Pâleur, cyanose, oligurie (diminution forte de la diurèse) et donc œdèmes. Menace de syncope en tentant de s'asseoir. Vertige avec nausée. Lourdeur avec paralysie du bras gauche, engourdissement des doigts, froid des extrémités.
Puis dans les heures qui suivent l'intoxication, la respiration devient irrégulière, le rythme électrique du cœur anarchique, les arrêts cardiorespiratoires de plus en plus fréquents et la mort subite conclut ce tableau clinique très chargé.
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Au niveau hépatique : on peut observer des nausées intenses, durables, même après avoir vomi avec menace permanente d'évanouissement et de syncope. L’hyper-salivation est manifeste avec dégoût des odeurs de cuisine et soif intense. Le teint est jaunâtre (ictère), le foie est gros (hépatomégalie), les selles sont grises.